Psychologie du consommateur : L’impact de la publicité sur l’inconscient des acheteurs

Romain Cally
Docteur en Sciences de Gestion | Psychologie du consommateur
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Les publicités sont omniprésentes dans notre environnement, à tel point que nous n’y faisons plus vraiment attention. Cependant, même lorsque nous ne les percevons pas consciemment, elles peuvent affecter nos choix et nos comportements.

Tous les jours, que ce soit dans la rue, à la télévision, au cinéma et sur Internet, nous sommes continuellement « bombardés » de publicités en tout genre. Nous devons, chaque jour, faire face à une hyperstimulation informationnelle et promotionnelle. Comme le rappellent Didier Courbet et collègues, « on estime aujourd’hui que plus de 10 000 marques entrent dans notre champ visuel chaque jour, notamment suite à des publicités. C’est au cours des cinq heures que nous passons, en moyenne, chaque jour devant les écrans d’Internet et de télévision qu’une bonne partie de ces publicités nous est proposée, ou plutôt imposée ». Par sa profusion incessante, la publicité dérange et irrite, en particulier sur Internet. Sans compter que nous n’avons ni le temps, ni le désir et encore moins la capacité de prêter attention à toutes les publicités qui nous entourent.

Toutefois, de récentes recherches ont démontré que, même les publicités que l’on ne regarde pas vraiment ou/et que l’on oublie aussitôt, peuvent, malgré tout, impacter nos préférences et, à terme, nos comportements d’achat. Elles agiraient de manière non-consciente sur nos pensées et actions.

Chaque jour, nous devons faire face à une hyperstimulation informationnelle et promotionnelle

L’effet non-conscient de la publicité

Dans cet article, le terme « non-conscient » fait référence au « non-conscient cognitif ». Il s’agit, comme le dit John Kilhström (1987), de l’ensemble des processus de traitement de l’information et des représentations mentales dont le sujet n’a pas conscience mais qui influencent son comportement. Cela englobe : le fait de percevoir, d’apprendre, voire de résoudre des problèmes sans en avoir réellement conscience. En conséquence, à partir du moment où un individu est incapable de produire intentionnellement une réponse symbolique et verbale sur un événement, l’événement en question sera considéré comme « non conscient».

Avant d’aller plus loin, il nous semble important d’aborder la notion de « mémoire implicite ».

La mémoire implicite ou mémoire non-consciente

Ce n’est récemment que les termes de « mémoire implicite », « mémoire non-consciente » ou encore  «non accessible à la conscience», se sont imposés en neurosciences et en psychologie cognitive. Les diverses recherches sur la mémoire implicite montrent que la mémorisation non-consciente d’une exposition à un stimulus est possible et cela, que l’exposition soit incidente, peu attractive, oubliée voire même subliminale. La mémoire implicite exprime les effets d’expériences antérieures qui s’incrustent dans les comportements présents sans que l’on fasse l’effort conscient de se rappeler (Roediger, 1990). Autrement dit, il s’agit d’une forme de mémoire où l’on ne retient pas l’expérience qui en est à l’origine. L’acquisition d’un souvenir dans la mémoire implicite se fait à notre insu et le rappel d’un souvenir s’effectue de manière automatique.

Aussi, les publicités sont susceptibles d’être mémorisées inconsciemment par notre cerveau et, cette mémorisation aurait tendance à se produire, le plus souvent, lorsque le consommateur accorde peu d’attention aux publicités. Autrement dit, lorsque son attention pour la publicité est « flottante ».

Qu’est-ce que l’attention « flottante » ?

Selon Romain Cally (2016), « pour qu’une publicité soit perçue consciemment et mémorisée de telle façon à ce que l’on s’en rappelle, il est nécessaire qu’elle entre dans notre champ attentionnel. Mais, la plupart des publicités auxquelles nous sommes exposés quotidiennement n’ont pas accès à ce champ attentionnel en question.(…). L’attention est « flottante » lorsque le consommateur perçoit les publicités avec une certaine distance, un certain « flottement ». L’attention allouée aux publicités est (très) faible, diffuse et surtout non focalisée. Le regard passe ainsi d’une cible à une autre, sans s’y fixer vraiment et l’intérêt de l’individu pour la publicité est absent ».

L’attention « flottante » en psychologie du consommateur fait donc référence à la manière dont le consommateur observe la publicité. En effet, le plus souvent, le regard porté par un individu n’est pas focalisé sur les publicités, que cela soit à la télévision, sur Internet ou encore dans la rue. Mais, malgré tout, le cerveau peut les remarquer et enregistrer certains aspects de manière non-intentionnelle (cf. Courbet et collègues, 2014).

Les publicités sont susceptibles d’être inconsciemment mémorisées par notre cerveau sans que nous y prêtions attention

La « publicité ambiante » et l’attention du consommateur

Les publicités sont, à la base, censées être retenues par le consommateur, mais certaines d’entre elles, alors qu’elles sont supposées « attirer » l’attention, se fondent dans son décor ou son environnement : ce sont les « publicités ambiantes » (cf. Vanhuele, 1999). Elles sont souvent banales, peu attractives, voire inintéressantes. Prenons un exemple : imaginons que vous regardez un match de football à la télévision avec des amis. Pendant la mi-temps, arrive comme il est de coutume, une série de spots publicitaires. Vous baissez alors le son de la télévision pour pouvoir discuter tranquillement avec vos amis. Sans faire attention aux publicités qui défilent. Votre attention devient alors « flottante » vis-à-vis des publicités, car vous parlez avec vos amis tout en gardant un œil sur la télévision pour ne pas rater le début de la seconde mi-temps. Soudain, une des publicités attire votre regard: c’est donc votre mémoire consciente qui se chargera de son souvenir. Mais le plus étonnant n’est pas là : en fait, toutes les publicités qui auront composé la série de spots publicitaires ne seront pas perdues. Elles seront plus ou moins bien encodées en mémoire implicite. Par la suite, si par hasard, vous revoyez une des publicités du spot en question, vous pourrez avoir une impression de «déjà-vu», car votre mémoire non-consciente en aura gardé une trace.

Les effets des publicités ambiantes

D’après Marc Vanhuele, les « publicités ambiantes » auraient plusieurs effets sur les comportements des consommateurs, tels que :

– contribuer à améliorer l’appréciation globale des marques : Il faut savoir que lors d’une première exposition à la publicité, les traitements visuels et auditifs de la marque sont faiblement élaborés. Ils forment en mémoire, des représentations exclusivement structurales (comme un logo de marque), sans contenu sémantique, ni attributs précis et sans réelle charge affective. Ensuite, dès que la marque réapparaît dans les publicités, comme le système perceptif l’a déjà antérieurement traitée, l’analyse de ses traits se fait plus rapidement : c’est le phénomène de « fluidité perceptive ». Lorsque le sujet retrouve la marque sur le lieu de vente, il ne se souvient pas de l’avoir vue dans des publicités, mais il a une impression de « déjà-vu ». Ne pouvant être attribuée à sa réelle source, cette « fluidité perceptive » serait alors faussement attribuée, et inconsciemment, à des caractéristiques positives de la marque, susceptibles de déclencher l’achat (Bornstein & d’Agostino, 1994).

– accroître la crédibilité des nouvelles marques : la publicité ambiante créée comme nous l’avons précédemment dit, une sensation de « déjà-vu ». Leur répétition confère, au fur et à mesure, à une nouvelle marque un statut, en la faisant apparaître comme une marque «établie» sur le marché. En fait, comme nous n’arrivons pas à nous rappeler précisément des expositions précédentes, la sensation de «déjà-vu» va contribuer à améliorer la crédibilité de la marque.

– réactiver l’image de marques déjà établies : la simple exposition d’un nom de marque peut activer en mémoire des associations d’images. Ainsi, montrer un nom de marque dans le cadre d’un sponsoring, sur des panneaux d’affichages placés aux bords des routes, des terrains de football, sur des maillots de joueurs professionnels, augmente non seulement la notoriété de la marque, mais réactive également l’image de marque en mémoire.

La simple exposition d’un nom de marque peut activer en mémoire des associations d’images et les rendre saillantes à l’esprit

Il faut savoir que plusieurs modèles de recherches issus de la psychologie sociale et cognitive ont tenté d’expliquer ce phénomène de « fausse attribution ». Par exemple :

– Le psychologue George Mandler (1980), a été l’un des premiers à proposer une explication. Selon lui, au moment où le consommateur se forge son opinion sur une marque et décide de l’acheter, il fait une « erreur d’attribution », parce qu’il croit que son attirance pour la marque – en réalité provoquée par la seule « fluidité perceptive » – est générée par des attributs de la marque (par exemple, la qualité, la solidité, etc.).

– Une autre modèle existe et prolonge celui de Mandler. Il concerne plus spécifiquement le lien entre la « fluidité perceptive » et l’évaluation affective. En règle générale, les individus préfèrent des stimuli familiers, car un stimulus inconnu génère « naturellement » de l’incertitude dans notre jugement (cf. Lee, 2001 et Gueguen, 2011). Aussi, une marque nouvelle sur le marché va générer, une sorte «d’inconfort psychologique ». Le processus qui s’opère est alors le suivant : La répétition de la publicité permet de réduire l’incertitude, car en augmentant la «fluidité perceptive», elle va créer une « fausse » familiarité qui va jouer en faveur de la marque. Autrement dit, l’inconfort psychologique aurait tendance à s’amenuiser par la répétition du message.

La « fluidité conceptuelle »

Comme pour la « fluidité perceptive », la « fluidité conceptuelle » conduit à générer des évaluations favorables à la marque, sans que les consommateurs ne se souviennent des contextes d’exposition. Une forte « fluidité conceptuelle » permet d’activer automatiquement (et donc inconsciemment) des éléments sémantiques liés en mémoire avec une marque, un produit ou encore un service. Par exemple : quand un sujet entre dans un rayon de boissons dans un hypermarché, la « fluidité conceptuelle » pré-activerait, sans même qu’elle ne soit vue, la marque de boisson qui est la plus accessible en mémoire. Si ensuite, la marque est effectivement aperçue dans les rayons, elle aura plus de chances d’être choisie, car déjà présente à l’esprit.

Les publicités de type « pop-up » sur Internet

Ce procédé non-conscient est également mis en œuvre par les marketeurs sur Internet, à l’instar des publicités de type «pop-up ». Une « pop-up » est une petite fenêtre intruse qui s’affiche devant la page consultée sans avoir été sollicitée par l’internaute. En fait, lors de l’affichage de ladite fenêtre, la projection rapide de mots déclenche chez l’internaute une lecture automatique et incontrôlable du nom de la marque (ou du logo), le conduisant à associer la marque avec la catégorie de produit en mémoire (par exemple, une marque « X » vend des lessives). Après une exposition répétée à ce « pop-up », se forme dans l’esprit, un lien entre la marque et le type de produit qu’elle commercialise. Par la suite, un simple contact avec le produit, suffit à activer plus facilement la représentation sémantique de la marque.

Le « transfert » du consommateur et associations non-conscientes

La communication des marques, notamment à la télévision, est faite de telle manière que lorsque le téléspectateur porte attention à certains éléments de la publicité, d’autres éléments sont traités au même moment de manière non-consciente (Courbet, 2000). En effet, dans de nombreux messages, les publicitaires associent la marque à plusieurs stimuli qui déclenchent des réactions affectives positives, mais qui n’ont souvent aucun lien fonctionnel avec le produit (une jolie femme, une célébrité, un animal, etc.). Les professionnels jouent ainsi sur le transfert affectif. Cette technique suppose qu’une simple mise en liaison répétée d’un élément véhiculant une image positive dans l’esprit de l’individu peut suffire à créer de l’attraction vis-à-vis d’un deuxième élément, qui lui, possède une charge affective neutre. Imaginons que nous souhaitons rendre attirante une nouvelle marque de lessive. Pour inciter les clients à l’acheter, il suffit de l’associer à un élément à forte charge affective : un personnage ou une chose vivement appréciée par le plus grand nombre, tel qu’un ours en peluche par exemple. La simple mise en relation de ces deux éléments va créer une transmission de la charge affective (cf. Cally, 2011). Ici, la marque de lessive et l’ours en peluche sont vus consciemment par l’acheteur dans la publicité: c’est sur « l’artificialité » de leur association que porte l’absence de conscience. Notre esprit va assimiler les attributs positifs du premier élément et le transférer sur le second.

                                Les marketeurs jouent sur transfert affectif dans les publicités

Les marketeurs peuvent jouer sur un autre type de transfert, largement utilisé dans le domaine du parrainage télévisuel, à savoir : le transfert sémantique. Il permettrait à la marque de bénéficier d’attributs de l’entité parrainée (cf. Courbet, 2000). Ainsi, une marque parrainant une émission sportive pourrait être perçue comme une marque « dynamique » ; une marque parrainant une émission politique, deviendrait une marque «sérieuse», etc. On voit de plus en plus ces « parrains » à la télévision apparaître juste avant (ou après) une émission. Souvent l’image de la marque ou le logo est accompagné d’une formule du type : « ce programme vous est présenté par la marque… ». Parfois, il n’y a aucun lien logique entre le parrain et l’émission en question. En fait, les courtes séquences de présentation du parrain sont créées pour ne pas trop attirer l’attention du spectateur, et ainsi éviter un éventuel rejet de ce dernier. Elles doivent se fondre naturellement au programme. Lors de chaque nouveau visionnage, les défenses psychologiques des téléspectateurs s’affaiblissent et la répétition du message peut alors faire son travail. L’influence se fait tranquillement et inconsciemment. Elle est ici d’autant plus forte que les émissions sont souvent attendues avec impatience par les téléspectateurs et sont donc, investies d’une forte charge affective.

L’effet non-conscient des stéréotypes

Il est intéressant de décrire l’influence non-consciente de la publicité sur les choix des consommateurs, à travers la notion de « stéréotype ».

Un stéréotype se décrit comme une représentation que l’on possède, une idée prédéfinie sur des catégories de personnes, des produits, des marques, des pays… susceptibles d’influencer notre comportement. Les stéréotypes agissent comme des « raccourcis de pensée», qui comblent souvent nos lacunes d’information. Il faut rappeler que l’activation d’un stéréotype est automatique (donc non consciente). En effet, lorsque nous catégorisons un produit, nous ne pouvons pas nous empêcher d’activer une représentation stéréotypée de la catégorie dont ce dernier fait partie.

Les pâtes sont généralement perçues par les consommateurs comme un produit d’origine italienne

Force est de constater, que les marketeurs n’hésitent pas à user de stéréotypes dans leurs publicités quand il s’agit de vendre un produit. Par exemple, les pâtes sont généralement perçues comme un produit d’origine italienne (stéréotype de pays). Rien d’étonnant donc de voir sur l’emballage du produit, de la couleur blanche, rouge et verte : les couleurs du drapeau italien. Les stéréotypes sont donc des facilitateurs cognitifs, qui réduisent la complexité des informations à traiter et favorisent la production de jugements rapides.

Les publicités subliminales et leurs effets

Il est très important de bien faire la différence entre une publicité «incidente» et «subliminale». Dans le premier cas, l’absence de conscience de l’exposition à la publicité est obtenue par des conditions « d’attention faible » ou suite à l’oubli de l’exposition. Alors que pour dans le second cas, ce qui ne permet pas la prise de conscience de l’exposition, c’est la durée très brève d’exposition au stimulus.

A l’heure d’aujourd’hui, on ne connaît pas encore tous les mécanismes à l’œuvre dans une exposition subliminale. Ledit message est donc un stimulus conçu de façon à ce que sa perception se situe juste au-dessous du seuil de la conscience [1].

On distingue généralement deux types de message subliminal:

Le message visuel : il faut savoir qu’un film vidéo comporte 24 images/secondes. En intégrant un message subliminal (mot ou image) dans une de ces 24 images, celui-ci va passer trop brièvement pour être vu consciemment, mais il peut être vu, lu et compris de manière non-consciente. De telles images sont parfois insérées dans des séquences vidéo, des films ou/et dans certains pays, dans des publicités télévisuelles.

Le message audio : ce type de message est basé non plus sur la durée, comme pour le message visuel, mais sur son intensité. En fait, une phrase va être diffusée à un niveau trop faible pour être perçue consciemment, mais le cerveau, lui, va être capable de la décoder et de l’enregistrer. L’exemple le plus connu de l’utilisation du message audio est celui imaginé par le sociologue américain Hal Becker, pour réduire le vol à l’étalage dans les grands magasins. Il eut l’idée de superposer à la musique diffusée dans les magasins, des messages subliminaux suggérant « de ne pas voler ». Près de 50 magasins aux Etats-Unis et au Canada ont installé cet appareil et ont réduit ainsi le vol à l’étalage des clients et des employés indélicats. Révélé par la revue « Times » en septembre 1979 [2], une chaîne de magasins américaine a pu réduire ses vols de 37%, pendant un essai réalisé sur neuf mois.

Interdite en France par l’article 10 du décret sur l’audiovisuel du 27 mars 1992, la publicité subliminale a fait néanmoins l’objet de multiples travaux scientifiques. Selon Robert Bornstein (1989), l’exposition répétée à un stimulus subliminal peut avoir un effet 3 à 4 fois plus important que l’exposition à un stimulus bien visible et donc perçus consciemment par le sujet. La force du subliminal réside dans l’impossibilité pour ce dernier de corriger son évaluation en remarquant que ce stimulus lui a été précédemment présenté, puisqu’il n’est à aucun moment conscient d’avoir été exposé à ce stimulus. Néanmoins, il est important de souligner que, si le subliminal peut influer sur les comportements, pour les scientifiques, influencer les cognitions et orienter notre choix vers une marque spécifique semble, toutefois, utopique. Ainsi, Channouf et collègues (1999) ont démontré que les messages subliminaux auraient un effet non spécifique sur les récepteurs. Autrement dit, si les spectateurs dans un cinéma sont exposés à une publicité subliminale pour une boisson de marque « x » et si on leur propose juste après l’exposition de choisir entre plusieurs marques de boissons, ils vont d’abord choisir leur marque habituelle, mais pas forcément la marque « x » en question.

Les messages cachés en publicité

Aujourd’hui, on trouve de nombreuses publicités délivrant des sens différents non appréhendables au premier regard. Mais ces messages n’ont rien à voir avec le « subliminal ». Ce sont simplement des « trompe-l’œil », des illusions optiques, des messages qui jouent sur l’ambiguïté voire quelque fois, l’énigme. Par exemple, l’enseigne «Les Galeries Lafayette» cache dans son nom de marque un symbole parisien très connu (les deux « T » composant le nom de marque fait référence à la Tour Eiffel). Par ce procédé, la marque veut signifier à tous les clients, qu’elle est française.

Exemple de message caché

L’ancrage mnésique

C’est une stratégie marketing très présente au niveau télévisuel. Dans les faits, cela consiste à diffuser un programme en relation avec les pages publicitaires qui l’ont précédé, afin d’implanter de manière inconsciente dans le cerveau du téléspectateur le souvenir de la marque. Cette congruence «programme – publicité», a pour objectif de faire mémoriser de manière non-consciente le contenu des publicités. Ainsi, la répétition crée un « ancrage mnésique » de la marque (ou simplement du logo) dans l’esprit du téléspectateur. Prenons un exemple : imaginons que vous attendez votre film du soir. Juste avant, arrive la fameuse série de spots publicitaires, que vous visionnez dans l’attente impatiente du film à venir. Dans les publicités, vous voyez un grand nombre de produits, dont une, pour un fameux soda, mais vous n’y prêtez pas spécialement attention. Enfin, après quelques minutes, votre film commence et, dès les premières scènes, on peut voir les acteurs s’amusant et buvant le fameux soda vu précédemment dans la publicité. Sans le vouloir, votre mémoire non-consciente vient d’être sollicitée.

On ne peut parler de « congruence » sans aborder un autre procédé utilisé par les publicitaires, relativement proche, à savoir : « l’effet d’amorçage ».

L’effet d’’amorçage

C’est une notion simple, qui s’apparente en partie, à celle de la congruence vue précédemment. L’effet d’amorçage est une augmentation de la précision ou de la vitesse d’une prise de décision qui survient suite à l’exposition préalable d’une information pertinente sur le contexte, mais sans qu’il n’y ait aucune motivation à rechercher cette information de la part du sujet. Par exemple, si on vous donne une liste de mots dans laquelle figure le mot « soulier » et que plus tard on vous demande d’écrire un mot qui commence par « s », il y a de fortes chances pour que vous répondiez « soulier ». Il existe différents types « d’amorçage » :

Amorçage visuel

Ce phénomène permet de contraindre le téléspectateur à prendre en compte l’aspect le plus avantageux dans le produit présenté, qui va le conduire à l’acheter. Il s’agit de préparer l’esprit du consommateur pour le rendre disponible au moment de la publicité, en orientant son jugement.

Par exemple, à plusieurs moments de l’année, dans le cadre de la campagne de sécurité routière, le gouvernement français a diffusé plusieurs spots publicitaires. Mais le plus souvent, juste après ces séquences, on pouvait voir des publicités vantant les mérites du dernier 4×4 de la marque « X » ou « Y ». L’effet recherché est simple: profiter de la campagne sur les dangers de la route, en offrant aux téléspectateurs, quelques secondes plus tard, une solution au problème. C’est à dire une grosse voiture, solide et surtout protectrice.

La musique classique influencerait les clients à acheter des vins plus prestigieux

L’amorçage auditif

Des chercheurs américains et australiens ont montré que lorsque l’on diffusait de la musique classique dans une cave à vins, le montant des achats des clients avait tendance à augmenter sensiblement. Ce n’est pas le nombre de bouteilles achetées qui augmentait, mais plutôt la qualité des vins achetés (cf. Nicolas Gueguen, 2011). Ce procédé est ce que l’on appelle : un «amorçage auditif». Ainsi, une première stimulation, à laquelle on ne fait pas forcément attention, prépare l’esprit à traiter d’autres informations de façon sélective. Dans le cas présent, la musique classique a probablement amorcé dans le cerveau des clients, des mots tels que « culture », « raffinement », «prestige », etc. Ces mots ont, à leur tour, pré-activé des noms de marques prestigieux, conduisant les acheteurs à choisir des vins plus raffinés et donc, plus coûteux.

L’amorçage olfactif

Qui n’a jamais eu envie d’un croissant chaud en passant devant une boulangerie? ou été attiré par l’odeur d’un poulet rôti dans une grande surface? Les signaux olfactifs présents dans l’environnement peuvent nous orienter vers certains achats imprévus. D’après les spécialistes Marie Gaillet et collègues, si un stimulus olfactif est de faible intensité (une odeur de fruit par exemple), il échappe à la conscience des acheteurs. Mais, placé à certains endroits stratégiques d’un magasin, ce stimulus pourrait activer inconsciemment certaines représentations, dans le cerveau, en lien avec des desserts fruités et, orienter les consommateurs vers ces types de desserts.

Conclusion

L’expérience montre que lorsque le consommateur sait qu’il est soumis à une manipulation publicitaire concernant une marque, les effets positifs en faveur de celle-ci se réduisent considérablement : c’est l’effet de la résistance à la persuasion publicitaire. Pour faire face à cette résistance, les marketeurs n’hésitent pas, comme nous l’avons vu, à mettre en place des procédés publicitaires qui concourent à nous faire mémoriser inconsciemment des informations sur une marque de produit.

Références

1. Selon Stéphane Dehaene, une information doit être présentée au moins 50 millisecondes pour pouvoir accéder à la conscience.

2. Time Magazine, Behavior Section, September 10, 1979, “Secret Voices: Messages that Manipulate.”

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